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380 TENTATION elle jette autour d'elle des regards suppliants, puis étonnés. Instinctivement, la pauvre femme passe la main sur son visage, comme pour chasser une vision horrible. Ce geste inconscient la rappelle à la réalité. Comment, il fait déjà nuit?. . . La soupe n'est point faite, et Claude qui va rentrer harassé et transi. — A quoi donc a-t-elle songé ?. . . Vite, vite. . . elle allume la lampe, et, bientôt ressaisie, Faccorte ménagère se met activement à la besogne. Cette fois, les doigts ne travaillent point seuls, elle pense à tout, et en quelques instants, les heures perdues sont bien vite rattrappées. Il était temps, car bientôt un bruit significatif de gros sabots ferrés résonne dans la cour. . . D'une brutale poussée de main, la porte s'ouvre, et Claude paraît sur le seuil. En voyant dans ce cadre familier sa chère femme si active, — car Virgine cache de son mieux sa confusion sous cet empressement, — un large sourire de bonheur éclaire sa figure grave. « Bien, bien, femme, s'écrie-t-il joyeusement, je gage que tu t'es sans doute, comme d'habitude, attardée après ta. filette, et qu'il te faut maintenant mettre les morceaux doubles ! — T'es ben toujours la même vaillante, ma Virgine !» —; Et fièrement, il l'embrasse sur le front. Puis jetant bas son feutre aux vastes ailes, il s'assied devant la table sur laquelle, triomphant, il vide le contenu de ses poches. « Tu vois, la journée n'a point été mauvaise... les porcs se sont vendus !... Viens donc voir compter toi-même si les dix écus n'y sont pas. » Tandis que Virgine, rougissante et plus morte que vive, empile dans sa main les écus que lui tend un à un son mari,