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326 JOANNY DOMER quel acharnement il avait mis à pénétrer les secrets du Grand Art pour s'inspirer des saines traditions. Il visita tous les palais, tous les musées, toutes les cathé- drales, dont l'Italie est, à juste titre, si fière, copiant par- tout, étudiant ces compositions grandioses, uniques au monde, qui devaient rester pour toujours gravées dans son esprit et y laisser une si profonde empreinte. Le 11 juillet 1871, muni d'un passeport de l'Ambassade de France à Rome, signé du baron des Michels, il revenait à Lyon pour s'y fixer définitivement. Domer avait alors 38 ans. Son caractère, porté au travail et à la réflexion, le tint longtemps enfermé dans son atelier, en compagnie de ses souvenirs, de ses études et de ses maîtres. Cependant, par- fois, une toile de Domer paraissait à l'Exposition perma- nente de Dusserre et les amateurs qui se pressaient dans ce petit salon, large d'une aune, qu'on appelait la petite Bourse de l'Art, étaient émerveillés de ces compositions pleines d'une si pénétrante poésie, captivés et retenus par le charme inexprimable qui se dégageait de ce dessin si simple et si nouveau, de ce coloris étrange, si puissamment harmonieux. En 1873, Domer exposait au Salon de Lyon une nature morte qui fit sensation : une amphore, un plateau d'or, un hanap d'argent ciselé, au milieu de joyaux étincelants et d'étoffes chatoyantes; le tout délicieusement fouillé. Ce tableau fut aussitôt acquis par le musée de Saint-Etienne. Mais Domer exposa peu. La grande composition l'absor- bait trop et le tenait enchaîné dans son atelier où l'artiste recevait quelques amis, presque jamais d'élèves. Domer aimait à travailler seul, à se recueillir, à s'étudier lui- même, à se corriger et souvent à se refaire. — « Que ferait un élève chez moi, me disait-il en riant?