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8                   FRANCISQUE BOUILLIER

   En quittant l'école primaire, F. Bouillier entra au pen-
sionnat du Verbe Incarné, alors fort en renom dans notre
ville, qui était tenu par un de ses parents, M. Bailly, dont
le petit-fils siège au Conseil d'Etat comme conseiller. Ce
fut dans cet établissement, situé sur le coteau au dessus de
Saint-Georges, que tout en poursuivant plus sérieusement
l'étude du latin qu'il avait commencée à Saint-Cyr, il apprit
les premiers éléments du grec. De la terrasse où il prenait
ses récréations, il jouissait de la vue la plus étendue sur la
ville entière et les deux fleuves, et il ne se lassait pas de
l'admirer.
   Ses souvenirs du jeune âge" étaient restés profondément
gravés dans sa mémoire et son cœur, et, vieillard, il aimait
à se les rappeler. Dans d'aimables causeries intimes, il se
plaisait à retracer le tableau du Lyon qu'il avait connu avec
« ses rues étroites où le soleil n'était jamais entré, avec ses
« pavés aigus et glissants, avec ses trottoirs dits cadettes,
« larges comme la main, et à chaque pas interrompus. » Il
croyait sentir encore les odeurs infectes de certains quartiers,
surtout dans le voisinage des hideuses boucheries situées au
centre de la ville. Il se rappelait les charcutiers tuant leurs
porcs au milieu d'une rue ; il avait suivi les allées de traverse
malpropres et humides, permettant d'aller à couvert du quar-
tier Perrache à celui des Terreaux. Et la rive gauche du
Rhône, le quartier des Brotteaux qu'il avait vu en prairies
et jardinets avec quelques maisons basses disséminées çà et
là, l'île de Robinson, la, ferme de laTête-d'Or avec ses sau-
lées et ses marécages ! Il n'avait point oublié ces journées
où toute bonne ménagère lyonnaise allait surveiller la
lessive de son linge étendue pour la sécher dans ces prés
des Brotteaux ; on dînait sur l'herbe-ces jours-là, et quelle
fête pour les enfants ! « Qu'il est changé, disait-il; ce vieux