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102                      SAINT NIZIER

dans un vomissement de sang noir et nauséabond ; partout,
comme les habitants d'Artane, on rendait de vives actions
de grâces au nouveau libérateur qui imposait son adoption
d'une façon aussi gratuite qu'excellente.
   Mais nulle part, autant que chez les siens, la mémoire de
saint Nizier ne fut plus complètement et plus longuement
associée à tout ce qui constituait l'existence, le progrès, les
libertés de la ville; il se mêla à l'exercice de la justice, aux
luttes contre l'anarchie comme a'u développement de la
religion, aux espérances de l'autre monde comme aux cala-
mités de celui-ci. Les magistrats conduisent les criminels
auprès de son autel pour les convaincre ou les absoudre ;
les serments qu'on y prononce y sont considérés comme
les plus inviolables ; les parjures y sont découverts et
confondus ; les vagabonds l'adoptent pour asile, les affamés
pour refuge ; les pauvres gens y assignent leurs oppresseurs
comme à une barre où tous les droits sont égaux; la
simple signature de l'illustre mort brise l'orgueil et dénonce
les mensonges des tyrans les plus fanfarons.
   Il n'est pas jusqu'aux bouleversements et aux tempêtes de
l'air, aux phénomènes naturels les plus désastreux qui ne
cèdent devant ce thaumaturge infatigable ; ses ossements
en poussière fondent les glaces les plus dures et les plus
épaisses ; ils rendent aux sillons, stérilisés par la grêle, leur
fécondité et leurs récoltes perdues. Dans un violent incen-
die, dont les flammes en fureur enveloppent la plus grande
partie des maisons et des remparts, son nom, jeté dans la
foule, on ignore par quelle voix, probablement pas humaine,
devient comme le mot d'ordre de la lutte contre l'embrase-
 ment. On assure que le saint patron est apparu à deux femmes
 pour leur commander d'organiser les secours et la résistance ;
la nouvelle vole de bouche en bouche ; c'est assez pour