page suivante »
)2 AUGUSTE BRIZEUX. Quand de troupeaux, de blés, causant ainsi tous deux, Vinrent d'autres Bretons avec leurs longs cheveux, Oh ! comme alors, pareils au torrent, qui s'écoule, Mes songes les plus frais m inondèrent en foule ! Je me croyais enfant, heureux comme autrefois, Ety malgré moi, mes pleurs étouffèrent ma voix ! Avec cette sensibilité profonde, et cette impressionnabi- lité extrême, Brizeux a souffert beaucoup ; mais aussi il s'est apitoyé sur les malheurs d'autrui, sur la mort d'un bou- vreuil, sur celle du bon cheval Jô-Wen, et il nous arrache encore des larmes émues, ce qui n'est pas un mérite vulgaire. En somme, comme le dit fort bien M. l'abbé Lecigne, « il a marché trente ans, la lyre à la main, n'écoutant que la voix intime de son rêve, le regard fixé vers la terre pro- mise de l'idéal et du beau, fidèle jusqu'au bout à sa voca- tion, indifférent à tout le reste ». Ils sont rares en tout temps et surtout en notre siècle, ceux qui peuvent se rendre ce témoignage à l'heure suprême : « Je n'ai chanté que la religion ( i ) , la patrie, l'amour de la nature et de l'art, les meilleures, les plus saines émotions de l'âme humaine; jamais je n'ai prêté ma voix aux accents du déses- poir (2), aux séductions de la volupté, aux entraînements de l'orgueil. Epurer les cœurs et consoler les âmes, c'était là toute ma poétique. » ÇA suivre) L'abbé Théodore DELMONT. Professeur à l'Université catholique de Lyon. .(1) Il y aurait ici des restrictions à faire; on les trouvera plus loin. (2) En 1855, lorsque Victor de Laprade lui eut dédié la Symphonie du torrent, Brizeux le pria .de supprimer cette dédicace, parce qu'il n'avait pas « prêté l'oreille à la voix du torrent et 11e s'était pas promené en désespéré sur les montagnes ».•