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37 8 INAUGURATION DU MONUMENT mal ! Pierre Dupont ne montrait pas moins de clairvoyance que les élégiaques pessimistes quand il déclarait les joies vivantes et réelles, à l'égal des douleurs. On sort de son oeuvre comme d'un bain de jeu- nesse et de santé, plus vaillant, meilleur, presque en confiance avec cette compagne si peu sûre qui s'appelle l'humaine destinée. Il est le Tyrtée, tendre et fort, des batailles du pain quotidien. Nous l'aimons aussi pour avoir reflété en son clair regard les mille et mille merveilles du décor où se joue le drame éphémère de notre destin. Il trouvait la vieille terre adorable, il la contemplait avec des yeux d'amant. C'est en le lisant que nous comprenons, nous autres serfs de l'existence moderne et prisonniers des villes, à quel point notre existence est un long crime contre la nature. Nous n'apercevons le ciel qu'entre deux toits, nous ne saluons jamais l'aurore chez elle, le couchant déroule ses pourpres loin de nos yeux. Mais les vers de Pierre Dupont nous envoient la fraîcheur des brises et tous les parfums de la forêt. Son panthéisme ingénu, sa botanique de berger chercheur de simples, sa divination de sylvain initié au langage des bêtes nous font entrevoir, mieux que tous les livres, le mystère de l'immense vie qui circule autour de notre conscience éperdue. Pierre Dupont amène l'homme à se réjouir de sa royauté d'un instant, il lui persuaderait, à force d'optimisme et de bonne humeur, que l'univers se rapporte à lui. Il nous conduit au verger ; il y répand le sang des fraises comme une libation de gratitude. Il énumère toutes les métamorphoses des sapins géants autant de bienfaits pour l'être chétif que leur majesté domine. Il vénère et chérit nos humbles frères, ces animaux que nul n'a chantés, pas même La Fontaine, avec plus de justice et de tendresse. Quand il parle du bœuf et de l'âne, il s'inspire lui-même des pensées naïves qu'il prête à ses paysans de la nuit de Noël, au retour de la messe de minuit. Dans ces deux infati- gables compagnons de l'effort humain, il honore les créatures, élues entre toutes pour réchauffer de leur haleine la crèche où vagissait l'esprit de fraternité. Nous l'aimons parce qu'il triompha de Belzébuth et du sombre génie de la haine. « Aimons-nous ! », voilà son refrain. S'il est vrai, comme le dit une parole magnifique qu' « aimer c'est comprendre », nul n'aura compris à ce point. Le « nom infini de l'amour » sort toujours de ses lèvres. A force de vouloir l'homme heureux, il parviendrait à le rendre tel, par un miracle de charité. Il se souhaiterait meunier, pour remplir