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37e INAUGURATION DU MONUMKXT Quelle fut la vie de Pierre Dupont ? Le récit en demande une ligne : il passa ici-bas en chantant. Ce poète populaire sortait du peuple; ses pire et mère étaient d'humbles gens. Orphelin de bonne heure, il fut recueilli par un sien oncle, un brave curé quelque peu latiniste qui l'en- vova au séminaire de l'Argentière. L'honnête tuteur destinait secrète- ment spn pupille à l'Eglise. Mais l'écolier, docile aux leçons de la Muse antique, ne rêvait que courses vagabondes dans les bois peuplés de drvades. Nulle trace de vocation ecclésiastique dans ses gambades de petit faune en folie. Le curé de Rochetaillée, déçu dans toutes ses espé- rances, se fâcha tout à fait. Il voulut punir le neveu rebelle en faisant de lui un canut. Le jeune Pierre fut envoyé devant un de ces métiers de la soie, dont il devait un jour définir le douloureux et profond symbole. Il mena quelque temps cette vie austère et rêveuse de l'ouvrier lyonnais, cette vie qui se continuera longtemps encore pour fournir du pain aux pauvres et du luxe aux heureux. Mais, ainsi qu'il l'a dit lui-même, la navette faisait dans son cerveau « comme un bruit d'hirondelle dans l'espace », et le ronron du métier lui soufflait des vers. Il était poète, par droit de naissance, ne pouvait vouloir et penser que poésie. Sa fonction étant de chanter, il chantait sans cesse. Le soir venu, il notait ' ses chants. Bientôt il rêva de Paris, de la ville où le talent naissant doit trouver pâture. Il partit pour le pays de la gloire, avec son poème des Deux Anges dans sa besace de pèlerin. Une bonne fée, la fée des poètes et des petits enfants, l'éternelle marraine des petits Poucets, le conduisit par la main jusqu'au bon gîte. C'était la demeure d'un membre de l'Institut qui faisait des vers à sa manière, l'excellent M. Pierre Lebrun, un véritable académicien de la légende dorée. Lebrun l'accueillit à bras ouverts, lui chercha un éditeur, lui ouvrit sa bourse, lui procura un modeste emploi d'attaché aux travaux du dictionnaire. C'était assez de chènevis pour nourrir un appétit d'oiseau. Messieurs, de tels souvenirs sont bons à rappeler, pour l'honneur de ce monde des lettres où l'on aime tant à se calomnier. Le digne M. Lebrun, rimeur arrivé, mandarin puissant, n'est-il pas touchant, comme un bonhomme Noël, lorsqu'il accueille avec tant de bonté paternelle un enfant inconnu ? Nous devons un souvenir ému à sa mé- moire, en ce jour de réparations. Je n'ose promettre à cette ombre douce de Pierre Lebrun que la postérité retiendra ses vers ; elle n'oubliera jafîiais, à coup sûr, qu'il fut l'auteur du meilleur des poèmes — une bonne action, et que cette bonne action nourrit le génie.