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UNE VISITE AU SALON DE BELLECOUR 329 pour faire un joli cadre, avec le deuil dans le cœur et sur le front. Nous avons tant admiré la Déposition de la croix de M. PONCET, qu'il nous est vraiment pénible de rester indif- férent devant son envoi de cette année, Vénus et l'Amour. Il y a là certainement un admirable modèle de dessin, une correcte académie, mais cela ne vit pas, ne parle ni à l'imagination, ni au cœur. On regarde, on admire en silence et l'on passe, n'ayant rien à dire. Il n'en est pas de même devant l'Eve de M. MICIOL. La petite personne qu'il nous montre est bien vivante, et en dépit de son extrait de naissance, supposé par la légende qu'elle repré- sente, on pourrait même ajouter qu'elle a bien vécu. Ce n'est plus la curieuse ignorante de l'âge préhumanitaire, mais une des héroïnes expertes de Gyp ou de M. Abel Hermant, c'est une Eve de la Vie parisienne. La femme du lévite d'Ephraïm est une des belles pages d'histoire de M. de BÉLAIR. Dans un cadre d'une froideur de marbre bleu, cette femme étendue sur la pierre, au seuil d'une porte close, dans l'abandon de la dernière espérance, se détache grande, très grande. On est pénétré du silence et de la solitude qui l'écrase, on est tenté de crier grâce pour elle. Cette froideur de cadre nous renvoie au décor d'architec- ture dans lequel M. ROUGIKR étale un Intérieur de cuisine. Le banal et terne arrangement des détails, la nullité des deux filles de service qui se meuvent sans grâce et sans vie autour de ces vieux piliers soutenant des ogives, sont un anachronisme, et cette œuvre, malgré la netteté de son exécution, fait regretter l'harmonieux Intérieur d'atelier du même auteur. Dans Femme d'Orient, au milieu d'un fouillis de choses No 4. — Avril 1S99. 22