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MAURICE SCKVE 8l Quand ces vers n'auraient pas pour nous le mérite de traduire assez nettement l'idée principale du poème, n'est- il pas vrai, Messieurs, qu'il suffirait, pour en apprécier toute la nouveauté, de les comparer aux vers prétendus amoureux de Marot ? Les plus jolis vers de Marot ne sont en vérité que d'un spirituel prosateur, mais ceux-ci sont d'un musicien; ils sont d'un artiste; ils sont d'un poète. L'harmonie encore un peu sévère en a quelque chose de caressant pour l'oreille ; les mots y sont choisis, pesés, et mis en place par une main diligente et habile ; ce qu'on essaie de leur faire dire n'est déjà plus rien de vulgaire ni de superficiel.Maître Clément se jouait ou s'égayait encore à la surface des choses ; sa prose gentiment rimée n'en dessi- nait que le contour le plus extérieur; on ne trouve point de profondeur ni d'intériorité dans les plus agréables Epîtres : celui-ci, plus délicat, plus savant, plus inquiet aussi,—je veux dire agité d'une autre et plus noble inquiétude que de faire sortir quelques écus de l'escarcelle royale,— tâche à saisir les vraies réalités sous les apparences qui n'en sont que l'enveloppe, et il y réussit quelquefois : Toute douceur d'amour est détrempée De fiel amer et de mortel venin... Ne sentez-vous pas bien ce que deux vers, oui, deux vers seulement de cette force et de cette gravité, — dont il n'y a pas une syllabe qui ne sonne,en quelque manière à l'unisson du sentiment douloureux et passionné qu'ils expriment, — ont et,auront toujours d'éloquent, de poétique? et ne voudrez-vous pas admirer avec moi cet autre dizain : Si poignant est l'éperon de les grâces Qu'il m'aiguillonne ardemment où il veut, Suivant toujours tes vertueuses traces Tant que sa pointe inciter en moi peut