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j6 UN PRHCURShUR DH LA PLlklADJ- Ai-je besoin de multiplier les exemples ? Il n'y a d'histoire que de ce qui s'enchaîne ; et, à défaut d'autre service, les « types de transition » nous rendraient encore celui-ci, de nous faire comme toucher du doigt la réalité de cet enchaî- nement. Tel est justement le cas de mon poète. « Le pre- mier qui franchit le pas, — dit le vieil Etienne Pasquier dans ses Recherches, de la France, — fut Maurice Scève, Lyonnais, lequel ores qu'en sa jeunesse eût suivi la piste des autres, si est-ce qu'en arrivant sur l'âge, il voulut prendre un autre train » ; et, en effet c'est en Maurice Scève, Lyonnais, que la prose rimée de Marot est devenue, si je puis ainsi dire, la poésie de Ronsard. Etait-il d'origine italienne, et descendait-il de l'illustre famille piémontaise des marquis de Ceva ? Toujours est-il que la sienne en avait pris les armes, fascées d'or et azur, brisées d'une bordure de même; et son père, au début du XVIe siècle, vers 1504 ou 1505, était l'un des échevins de la ville de Lyon. Vous savez qu'en ce temps-là , Messieurs, vous n'existiez point, et la « métropole des Gaules » en était vraiment aussi la capitale intellectuelle. Avec le goût du négoce et la somptueuse industrie de la soie, de nom- breuses familles italiennes, exilées de Florence ou de Gênes, des Strozzi, des Altoviti, des Albizzi, des Frangipani, des Gondi, des Médicis y avaient importé l'esprit de la Renais- sance, l'habitude du luxe, et le sentiment de l'art. Je n'ai pas compté si les imprimeurs y étaient plus nombreux qu'à Paris, mais je sais que, dans ces premiers temps de l'impri- merie encore naissante, il ne partait chaque année d'aucune ville du monde, si ce n'est de Venise, plus de livres que de Lyon. Les bibliophiles conservent pieusement la mémoire des Gryphius et des Jgan de Tournes ; et c'est Lyon qui la première a mis au jour l'Enfer de Marot et le Gargantua