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35 S UN NOUVEL ACADÉMICIEN LYONNAIS Il est encore des gens qui pensent que la célèbre Compagnie fondée par Richelieu est faite pour les écrivains. M. d'Haus- sonville est de ce nombre : quoiqu'il soit le fils de son père, et d'un père infiniment spirituel, il a voulu l'être aussi de ses propres œuvres. Avant d'entrer dans la carrière politique qu'il aborda très jeune, il avait déjà mis dans sa vie plus de travaux que bien des hommes de lettres, ses contemporains. En 1868, si je ne me trompe, il débutait par une étude sur William Prescott dans la Revue des Deux Mondes. Puis il passait à George Sand, à Sainte-Beuve, qu'il analysait avec une sagacité, une finesse dont ce dernier lui avait peut-être fourni le modèle, mais un modèle auquel, chose rare, la copie ne resta pas inférieure. Si l'homme pouvait assez se dégager de soi-même pour se juger avec une complète indépendance, si l'amour-propre ne lui fermait pas les yeux sur ses défauts pour les ouvrir trop larges sur ses heureux dons de nature, l'abeille de la critique moderne, qui en eut souvent la grâce et le dard, mais aussi le vol onduleux, n'aurait pas, je crois, tracé de sa personne un portrait plus ressemblant. Il l'est, ressemblant, non seulement dans les lignes et la couleur, mais jusque dans les touches les plus légères, jusque dans la plus délicate de ses nuances, et Dieu sait combien de teintes diverses a revêtues cet insaisissable Protée qui se vantait de s'être prêté à tout sans s'être donné à rien. Prosper Mérimée succéda à Sainte-Beuve dans sa galerie. Le cadre est aussi grand, mais la toile de dimension un peu moindre. C'est qu'il s'agit surtout du Mérimée épisto- laire et de quelques-unes de ses lettres inédites. Ce sec et froid sceptique, qui ne croyait à rien, si ce n'est à la per- versité et à la corruption humaines, aimait à correspondre