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478 HENRI H1GNAKD Ce doit être pour toi une pensée douce, mon ami, que tu contribues autant à mon bonheur. Une des tentations qui me sont les plus dangereuses, ce sont les idées noires, je n'ose pas espérer qu'elles cesseront entièrement tant que je vivrai, Dieu nous laisse nos tentations comme une épreuve ; mais j'espère au moins qu'elles deviendront de plus en plus rares et courtes. Eh bien, mon ami, lorsque je m'inquiète de l'avenir, c'est ta pensée qui me sauve. Je ne sais pas si j'aurai une compagne, je ne sais pas si je garderai mes amis, mais je sais que je ne serai jamais seul, car tu me resteras, toi mon frère chéri, et qu'au besoin tu pourras me tenir lieu de tout cela. Alors je chasse la tentation. Retire- toi Satan. Il faut mon ami faire une grande attention à ta santé. Tu es faible et tu es dans un âge de crise. Tu sais qu'à ton âge j'ai été très gravement malade. Cependant j'en suis bien revenu, et cela doit te rassurer. Mais il faut te soigner; d'abord exercer la vertu d'obéissance en te soumettant reli- gieusement à ce que t'ordonneront pour cela les médecins, et ma mère, ensuite ne pas te fatiguer et surtout ne pas t'in- quiéter. Le meilleur remède doit être le calme d'esprit. J'aime bien à voir en toi l'ardeur pour le travail que tu me montres dans ta dernière lettre, mais je voudrais qu'elle fût mêlée à moins d'inquiétude et d'empressement. Allons avec calme et patience. Vivons un peu au jour le jour, et quand le. soir nous n'avons pas commis de faute dans la journée, endormons-nous le cœur léger, Dieu ne demande pas l'im- possible, et pour le moment, ton premier devoir c'est de vivre et de raffermir ton corps. Songe que c'est là -dessus que tu auras à répondre au jour du jugement. Pour ma part, je travaille comme jamais je n'ai travaillé, et cependant sans me fatiguer, parce que je vais tout plan