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EN ALLEMAGNE AU XVIIe SlÈCL'E 247 l'attendaient dans l'escalier, le supplièrent, pour l'amour de Dieu, de ne pas livrer son âme au diable. Mécontent de leurs instances, il leur cria en descendant qu'il avait déjà pourvu aux besoins de son âme. Quand il sortit de l'auberge, la garde lui présenta les armes et les officiers inclinèrent leurs épées. Les habitants, par leur attitude pleine de compassion, témoignaient qu'ils croyaient à son innocence. Il les en remercia en déclarant qu'il mourait en loyal soldat et en fidèle serviteur de l'empereur. L'échafaud était dressé près de là , sur une pelouse. Deux compagnies de soldats le gardaient, entourés de plusieurs milliers de spectateurs. A l'arrivée du condamné, les tam- bours battirent, les drapeaux s'abaissèrent. Suivi du prévôt et de Wegrer, Jean Ulrich monta rapidement les degrés, s'agenouilla pour dire un Pater noster et s'assit sur l'esca- beau en disant : « Je donne à Dieu mon corps et mon âme. » Wegrer lui enleva sa collerette, lui lia et releva les cheveux avec un mouchoir blanc. Alors seulement parut le bourreau. Tout habillé de noir, il arriva subitement, par derrière, laissa tomber le manteau qui cachait l'épée de justice, et, d'un seul coup, trancha la tête. Le sang jaillit comme un jet d'eau. La tête, sur laquelle était resté lç chapeau, roula par terre ; mais le corps demeura assis. Wegrer le sortit de sur l'escabeau, prit la tète, la baisa, et la roula dans un drap noir. Il récita ensuite un Paler noster devant le cadavre et, avec l'aide d'autres serviteurs, déposa, dans le cercueil qu'ils avaient mis sous l'échafaud, le corps et la tête, sans les laver, sans rapprocher la tête du corps, avec le drap noir taché de sang et l'épée. Ainsi l'avait ordonné Schaffgotsch : il voulait comparaître en cet état avec l'empereur devant le tribunal de Dieu.