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74                      HENRI HIGNARD

faut bien réfléchir à une chose, c'est que les études litté-
raires ne sont pour toi qu'une récréation, un accessoire.
Or, qu'on prenne plus ou moins de l'accessoire, ce n'est
pas là ce qui importe beaucoup. Ton occupation réelle,
celle dont tu auras à répondre devant Dieu, c'est le com-
merce, comme moi la littérature ancienne. Certainement,
la littérature allemande ou la philosophie me plairaient bien,
souvent je suis tenté de m'en occuper exclusivement ;
mais, lorsque je considère que ce n'est pas là mon état, je
me mets bientôt à mon aise avec elles, et je n'en prends
que comme d'un amusement. Ne t'inquiètes pas, mon
ami, si tu n'as pas le temps d'écrire, tâche de n'en pas
perdre, c'est l'essentiel, mais dis-toi bien que lorsque tes
devoirs de commis sont remplis, ou plutôt tes devoirs
d'apprenti négociant, car il faut penser à l'avenir, tu n'as
plus rien à te reprocher, rien à regretter.
   En sortant à midi, car je suis resté pour t'écrire, je tâche-
rai de trouver le Discours sur la méthode, et si je le trouve,
je te l'enverrai par la personne qui veut bien vous porter
ces lettres. Il faudra le lire avec bien de l'attention; tu peux
lire aussi le petit volume de Pascal, qui est très commode à
emporter dans la poche. J'ai eu l'occasion, il y a quelque
temps, de relire quelques-unes de ces admirables pensées,
et elles m'ont donné un plaisir vraiment rare.
   Laisse là, mon ami, ces idées de tristesse, de mélancolie,
où, dis-tu, tu trouves tant de charmes. Ceux qui y ont passé,
comme moi, savent combien elles énervent l'âme q u i a
tant besoin de force, d'énergie dans la vie. Au lieu de ces
réflexions peut-être un peu paresseuses, occupe-toi de ce
qu'il y a de sérieux dans la vie : le bien, le beau, le vrai.
Cherche le vrai en cherchant à t'instruire en observant, en
étudiant surtout ce qui concerne ton état ; en essayant de