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               LETTRES DE L'ÉCOLE NORMALE                  71

une preuve de ton bon cœur et je t'en ai été reconnaissant
dans le fond de mon âme, mais j'ai souffert de songer que
tu t'imposais une privation pour m'en épargner une,
lorsque ce serait bien plutôt à moi de les supporter. Je t'en
supplie, mon ami, ne fais plus cela. Je t'écris toujours chez
M. Debar parce que tu m'as dit que les lettres étaient
payées, mais si ce n'avait été que par accident, si elles
étaient à tes frais, il faudrait vite me le dire, et alors, en
réfléchissant un peu, je trouverais bien un moyen d'épar-
gner cet argent, sans, cependant, nous priver de cette
correspondance, qui, s'il en est de toi comme de moi, nous
est bien douce à tous deux. Ainsi, mon bon frère, ne
diminue plus ta bourse déjà bien petite en ports de lettres.
Thésaurise si tu le veux, ou bien, lorsque tu auras un peu
d'argent que tu pourras employer secrètement sans faire
de la peine à mon père ou à ma mère (car c'est là le point
le plus important et que nous devons considérer avant tout)
ou fais-toi quelque petit cadeau agréable, ou fais un peu de
bien, mais toujours sans sortir de cette modération que le
bon Dieu nous a prescrite, même dans la bienfaisance, en
 nous faisant naître de parents pauvres, qui ont besoin de
 tout leur avoir pour vivre.
  Mais à propos d'argent, mon ami, puisque nous en
sommes sur la question financière, pourquoi penses-tu si
souvent (car c'est ta propre expression) à cette nécessité de
ta position de rester encore deux ans et demi sans rien
gagner? Il est vrai que si dès à présent tu gagnais un fort
appointement, cela vaudrait mieux pour nous tous, mais
cela est impossible, et parce que je ne puis pas avoir trois
yeux (ce qui m'irait bien, car les deux que j'ai commencent
à se fatiguer) faut-il donc me désoler ? Songe, mon frère,
qu'en comparaison de notre âge, tu gagneras ta vie ; et tu