page suivante »
LETTRES DE L'ÉCOLE NORMALE 57 je ne dis pas pour réussir, je n'espère pas tant, mais seule- ment pour me soutenir à l'Ecole, pour ne pas être obligé d'en sortir cette année 1 Tu te tromperais bien, mon ami, si tu allais t'imaginerque pour moi la route est toute unie; que je n'ai qu'à marcher sans fatigue et sans douleur. Cela n'est donné à aucun homme, et peut-être moins à moi qu'à aucun autre. Ce qu'il y a de plus triste, c'est que la plupart des difficultés que j'ai à vaincre ne sont là que par ma faute; par la négligence, par des lectures mauvaises, par des habitudes de rêverie qui énerve, j'ai enlevé à mon esprit une grande partie de l'énergie et de la force que Dieu lui avait données. Il n'est plus capable maintenant des destinées qu'il lui était permis d'espérer, et en déplo- rant mon impuissance, j'ai à déplorer encore de l'avoir causée. Ce serait un digne sujet de tristesse, mais puisque le mal, est fait, il ne faut pas l'empirer encore, le plus sage est de prendre son parti, de faire tous ses efforts pour le réparer autant que possible, de travailler avec courage et sans regarder en arrière, et, ainsi, avec la grâce de Dieu, j'espère pouvoir me relever un peu, mériter un peu de bonheur, et faire que je ne sois pas tout à fait inutile. Mais cet exemple peut t'apprendre, Joannès, combien nous devons veiller avec attention sur ce dépôt de facultés que Dieu a mis en nous. Combien nous devons le conserver pur et intact, le préserver de tout ce qui peut le souiller ou le corrompre, comme, par exemple, et surtout, les lectures qui attristent, les pensées qui portent au découragement, en un - mot, tout ce qui affaiblit ou énerve l'âme. Notre plus grand soin doit être dans toutes les parties de notre vie, de nous conserver courageux, actifs, confiants, pleins d'espoir en la Providence de ce Dieu à qui nous disons chaque matin: « Mon Dieu, j'espère que vous voudrez bien me