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                  SOUS LE PREMIER EMPIRE                    233

gance : un tapis jeté sur une table, où l'on plaçait des
livres, un vase de fleurs fraîches écloses sur la cheminée,
un couvre-pied de mousseline étendu sur le lit, donnaient
l'illusion du chez-soi. Mais il aurait fallu une bien grande
force d'âme pour résister à cet exil de trois ans, sans
jamais se laisser aller aux impressions pénibles. Les jours
sombres sont fréquents à Lyon ; il fallait souvent rester au
logis et distraire l'enfant qui ne la quittait pas et qui venait
la caresser en lui disant parfois qu'elle était bien la plus
triste des tantes. Alors secouant les papillons noirs, elle se
mettait en devoir de distraire sa nièce et, se rappelant ses
premiers succès dans le monde, une longue écharpe à la
main, elle prenait successivement toutes les attitudes dans
lesquelles ce tissu léger devenait tour à tour ceinture, voile,
draperie. Rien n'était plus gracieux, plus décent, plus pit-
toresque à la fois que cette danse du châle que Mme de Staël
a immortalisée dans Corinne.

   En même temps que Mme Récamier, l'Hôtel de l'Europe
comptait encore parmi ses hôtes illustres l'intéressante
duchesse de Chevreuse, belle-sœur de Mathieu de Montmo-
rency. Dans le tableau de cette élégante société, elle nous
apparaît comme la personnification de la grande dame du
siècle passé : Faite à ravir, pleine de toutes les séductions,
elle n'avait figuré que peu de temps à la cour impériale :
Napoléon n'avait pas été insensible aux charmes de cette
belle personne ; mais il n'avait trouvé en elle que froideur
et dureté ; et quand il lui proposa de l'attacher au service
de la reine d'Espagne, détrônée et ramenée en France pour
y être observée, ce fut de sa voix hautaine qu'elle lui
répondit : « Je pourrai être prisonnière, je ne serai jamais
geôlière ! »