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                    SOUS LE PREMIER EMPIRE                        23 I

    Au surplus, nous avons plusieurs témoignages de la
valeur et de la bonté de cette femme remarquable à tant
de titres. — On a beaucoup vanté sa beauté; on n'a pas
assez parlé de sa bonté qui fut pourtant le vrai secret de
l'influence toute puissante qu'elle a constamment exercée
autour d'elle et qu'une de ses amies, Mme de Boigne, lui
révèle en ces termes (9) :
    « Je vous l'ai dit cent fois et je l'ai pensé mille, ce qui
vous rend si séduisante c'est votre bonté; peut-être suis-je
la seule qui ait osé vous le dire ; il paraît si bizarre de
louer la bonté de la plus jolie femme de l'Europe ! Hé bien !
je suis persuadée que si l'on pouvait définir l'influence que
vous exercez, cette même bonté a plus de puissance que
tous les autres avantages, plus brillants sans doute, mais
auxquels elle ajoute tant de force. Ainsi, Madame, c'est
parce que vous êtes bonne que vous avez fait tourner tant
de têtes et désespérer tant de malheureux; ils ne s'en
doutent pas, mais c'est pourtant vrai. »

   Elle était bonne sans distinction de personnes : Un jour
dans la cour de l'Hôtel de l'Europe, elle aperçoit une enfant
au visage doux et gracieux, mais empreint d'une expression
d'arrière tristesse, à qui l'on faisait exécuter des tours
d'adresse pour récolter quelques sous. Cette vue l'afflige et
l'émeut ; elle s'approche de cette infortunée, lui parle en
lui témoignant de l'intérêt, apprend qu'elle est d'origine
anglaise, qu'elle est tombée par hasard entre les mains de
saltimbanques qui exploitent sa jeunesse et l'appellent
Marianne. Aussitôt elle la prend sous sa protection, par-


   (9) Ibid., p. 112. Cette lettre est du 9 janvier 1812; M" e Récamier
était alors à Châlons.