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I30            UNE PAGE DE LA VIE LYONNAISE

sance, écrit-il à Mme Récamier, recevez-moi donc avant, si
cela ne vous gène pas trop (23). »


   Pour avoir un entretien avec sa belle amie, si court
soit-il, il ne recule devant aucun obstacle. — S'il doit la
trouver absorbée par sa correspondance, chose sacrée pour
elle, ou par quelque leçon, il saura bien prendre patience,
lui demander les lettres du prince de Prusse, s'installer dans
un coin pour les lire et se dédommager ensuite par une
intime causerie. — Ce qu'il redoute le plus ce sont les
parents, les étrangers qui l'accaparent trop à son gré ; leur
présence est gênante et vient toujours fort inopinément
troubler leur tête-à-tête. — Il ne manque pas de s'en
plaindre' à la première occasion :


    « Je voudrais, chère Juliette, vous reparler de mon
plaisir de vous avoir vue, de mon serrement de cœur à
votre départ, de ma tendre affection. Mais, comme je vous
l'ai dit, je suis un peu découragé de vous exprimer tout
cela, quand je pense combien vous êtes un enfant gâté
d'amour et d'amitié, combien mes simples et tendres
expressions doivent vous sembler pâles, après les gros
soupirs du baron (de Vogt) et les sanglots de la baronne
(de Staël) et les transports de Milady (Webb) (24).
   « Cependant, si vous regardiez moins à ce culte exté-
rieur, vous trouveriez peu de vos amis qui me le disputent
en constante et réelle tendresse et dans vos deux passages
à Lyon j'ai appris, s'il est possible, à vous aimer davantage


  (23) M me Récamier et ses amis, p. 134.
  (24) Mmt Récamier et ses amis, p. 46.