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                    SOUS LE PREMIER EMPIRE                         123

développer le sien, c'est qu'il a conservé sa candeur et sa
bonhomie ; un trait suffira pour en faire juger :
   « Le lendemain de sa présentation à Mme Récamier, il
se trouva en tète-à-tête avec elle. — Elle se plaignit d'une
mauvaise odeur qui l'incommodait beaucoup. — Ballanche
présuma qu'elle pouvait venir du cirage de ses bottes qu'on
faisait alors avec des œufs qui souvent n'étaient pas frais ;
— il passa dans l'antichambre pour se déchausser et,
n'ayant pas de pantoufles, il rentra dans le salon en mar-
chant sur ses bas et vint tranquillement se remettre au coin
du feu.
   « Mathieu de Montmorency qui vint sur ces entrefaites
ne put s'empêcher de lui témoigner sa surprise d'un pareil
négligé (c'est de ce dernier lui-même que je tiens cette
aventure). — Et le philosophe de répondre sans s'émou-
voir : « L'odeur de mes souliers incommodait Mmc Récamier,
je les ai quittés dans l'antichambre. »


   Cette histoire lui fut souvent reprochée. Nous en avons
pour preuve une lettre de Mmc de Sermézy à l'un de ses
intimes, alors que relevant de maladie elle se remettait à
l'Å“uvre pour achever le buste d'Artaud :
   « Puisque vous avez bien voulu vous ressouvenir [de ma
fièvre (17), je vous dirai qn'elle est partie sans la contrainte
des puissantes ordonnances du docteur, auquel cependant j'ai
donné tous les honneurs de la victoire, ne luidisant'pas que
j'ai laissé dans sa boîte le dernier boisseau de pilules que je
devais avaler et qui sont mieux là que dans mon estomac.
— Au résultat, je me porte fort bien et j'ai déjà fait usage de


  (17) Souvenirs manuscrits de Fleury Richard, peintre lyonnais, p. 207.