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468                 LA DEUXIÈME ÉDITION

   M. Tisseur affirme avec raison que les exigences de la
rime dite correcte proviennent d'une époque où les con-
sonnes finales n'étaient pas encore devenues muettes. La
prononciation des consonnes finales existait autrefois.
Palsgrave remarquait qu'au xvie siècle une virgule, un
repos, demandait la prononciation de la consonne finale.
On la prononçait toujours à la fin du vers. Peu à peu on
perdit l'habitude de prononcer les consonnes à la fin des
vers comme à la fin des mots. Mais « comme on avait
exigé leur identité dans les deux mots rimants lorsqu'elles
se prononçaient, on continua de les exiger lors même
qu'elles ne se prononçaient plus. »
    Les poètes du xvie siècle observèrent donc exactement
la règle de la rime en rapport avec la prononciation, en
faisant rimer draps et sacs, aspics et pis (Cf. Marot, Le
Maire), ce qui était parfaitement logique, puisque ces mots
se prononçaient drass et sass, aspiss et piss. Cette coutume
dura jusqu'à Malherbe, qui, sans se préoccuper de la non-
prononciation des consonnes finales, posa le principe de la
rime aux yeux. Racan ayant osé soutenir, contre le fou-
gueux redresseur des prétendus torts de la prosodie fran-
çaise, qu'on devait rimer pour les oreilles, fut traité
d'hérétique par lui. Heureusement que l'auteur des Berge-
ries ne s'en émut guère et continua de rimer indifférem-
ment aux terminaisons en ent et en ant, sans faire pour
cela des vers moins bons. Toutefois depuis Malherbe, il
fut donc décrété, malgré qu'on eut cessé dès longtemps de
prononcer les consonnes finales, « que l'identité de la
consonne muette suffirait pour constituer la rime aux yeux,
l'identité de la consonne qui la précède n étant point exigée. » Et
depuis lors, si l'on ne peut faire rimer désert avec mer, on
peut faire rimer (pourquoi s. v. p.) déserts avec mtrs ! H