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MOREL DE VOLEINE 321
1883, au vicomte de Leullion de Thorigny et décédée le
9 décembre 1893, laissant trois enfants.
Morel de Voleine était d'une taille peu élevée, mais
bien prise et sans embonpoint. Ses traits étaient saillants
et sa figure découpée, ses cheveux rares et écourtés, le
front large et bien développé, les yeux petits, gris, vifs et
expressifs, la lèvre un peu tombante et la bouche railleuse.
Il s'animait vite, dans le feu d'une conversation intéres-
sante, ses paroles se précipitaient et un geste expressif les
soulignait à propos. S'il aimait les entretiens savants, il ne'
craignait point non plus les histoires du bon vieux temps
et les propos un peu gras, à la façon de Rabelais, mais
cela à son heure et dans un cercle d'amis. Silencieux et
taciturne, par moments, mais sans être morose, il regar-
dait passer avec une indifférence apparente les hommes
et les choses, laissant son esprit se reposer dans une
méditation contemporative.
Il fuyait les réunions mondaines, et s'affranchissait
volontiers de ce que l'on est convenu d'appeler les obliga-
tions de la Société, ennemies du travail, qu'il abandonnait
aux désœuvrés. Il avait été élevé dans un milieu pour
lequel les années de la révolution avaient été tragiques et
dures et qui, tout en réparant ses infortunes, ne pouvait
s'empêcher d'interroger l'avenir d'un œil craintif, conser-
vant ses souvenirs et ses regrets. Peu à peu, il s'inocula
ces idées d'un autre siècle ; ses goûts et ses habitudes s'y
conformèrent, et il a continué, jusqu'à nos jours, une
génération disparue, depuis longtemps. Royaliste par
principe et par éducation, arrivé à l'âge d'homme, il ne
se compromit jamais dans les équivoques de la politique
contemporaine; il avait trop entendu parler de Philippe-
Egalité, pour accepter la monarchie de juillet ; la résur-