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SA VIE ET SES ŒUVRES 201 dilettanti, trouvaient également, en lui, un auditeur attentif et assidu. De temps à autre, cependant, il rompait avec ses habi- tudes de tranquillité et de travail et se lançait, allègrement, dans les plus aventureux voyages. N'abusant pas de la promiscuité des diligences, des gon- doles et des pataches, le sac au dos, un bâton à la main, flânant le long des chemins, fuyant le pavé du roi, s'éga- rant dans les sentiers, étudiant un site pittoresque, esquis- sant une ruine ou croquant un bonhomme, fredonnant un air d'opéra ou causant avec un compagnon de hasard, s'arrêtant ou partant au gré de sa fantaisie, il marchait de longues semaines, visitant tour à tour l'Angleterre, la Bel- gique, les Flandres, les bords du Rhin, la Suisse et les diverses provinces de la France. Il rapportait toujours d'épais albums bourrés de dessins, d'aquarelles et de notes, sou- venirs précis des haltes enthousiastes et des repos forcés. Que de fois, ses parents et ses amis, attentifs et ravis, l'ont suivi dans ses aventures racontées avec un humour et un esprit qui en augmentaient l'intérêt et le charme. « Foin des voyages, disait-il, devenu ermite, les raillways les ont tués. Aujour- d'hui-, tout est prévu, hors les accidents, il n'y a plus de voyageurs. J'étais porté vers les excursions lointaines; autrefois la vue d'une diligence attelée me faisait battre le cœur. Au temps de Marco Polo j'aurais pu acquérir quelque renom. Hélas, je suis venu au monde quatre cents ans trop tard ! Faute de mieux j'ai, dans ma jeunesse, visité quelques pays intéressants alors. En ce temps-là , on voyageait encore un peu et l'on pouvait admirer l'aspect de la route, il y avait de bonnes charges à recueillir dans les auberges et sur l'impériale, en compagnie du conducteur et des postillons. Il n'y a plus d'auberges, plus de relais, plus de postillons,