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154               L'HERBIER

      A peine une incertaine brume
      En ternit le doux incarnat,
      Mes regrets non sans amertume
      Ravivent leur premier éclat.

      Le souvenir leur rend la vie
      Et s'efforce de rajeunir
      Ces fleurs dont la beauté ravie
      Ne doit jamais plus revenir.

      De nos félicités présentes
      Qu'emporte le temps ravisseur
      Ces réminiscences troublantes
      Nous font mieux goûter la douceur.

      Et comme ici-bas tout s'abîme
      Et s'évanouit corps et biens,
      Et que je suis est synonyme
      De je fus où je me souviens,

      A la triste vieillesse en proie
      Je mettrai mes derniers plaisirs
      A classer lesfleursde ma joie
      Dans l'herbier de mes souvenirs.

                              J.-E.   BEAUVERIE.