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34 SOUVENIRS DE LYON En outre, il n'y avait pas de salles spéciales pour les maladies infectieuses; on était réduit à placer les malheu- reux atteints de gangrène dans les vestibules des salles, triste mesure que j'ai vu prendre en 1819 pour des infor- tunés ayant les jambes gangrenées par suite de l'usage du seigle ergoté. De cet état de choses, malgré le talent des médecins et des chirurgiens, le dévouement des Sœurs et les ressources des services largement et généreusement fournies par l'Administration, la mortalité était considérable, surtout parmi les opérés. Aussi les chirurgiens de Lyon conseillaient-ils aux malades de la province de se faire opérer chez eux. En fait d'opérations, je me souviens que la première que j'ai vu pratiquer (non sans une violente émotion) était l'enlèvement d'une loupe à la joue, et, par une assez singu- lière coïncidence, une opération exactement semblable est la dernière que j'ai faite avant de quitter le service. Presque jusqu'à nos jours la médecine a semblé une prolongation de la philosophie et comme celle-ci elle a cherché la vérité dans des théories, des systèmes et des hypothèses. Ainsi on disait : la médecine philosophique de Pinel, la médecine physiologique de Broussais, etc. Quant à la chirurgie, son rôle semblait consister à bien opérer et à bien panser. Mais, quoique les médecins et les chirurgiens ne manquassent en général ni d'instruction ni de dévoue- ment, par suite de l'absence des soins minutieux [de pro- preté et d'hygiène, observés aujourd'hui, on perdait par la contagion un nombre effrayant de malades. De même dans les armées on faisait une énorme consommation de soldats, par l'effet du manque de soins et de l'insuffisance de res- sources. C'était alors en général le règne du terrible chacur,- pour-soi.