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SOUVENIRS DE LYON 2$ A mon arrivée à Lyon, je fus logé par ma mère chez une veuve Bérard, originaire du Bourg-de-Péage, qui s'était mariée à un Alsacien de Schélestadt, nommé Mathis, lequel, pendant le siège de Lyon, en 1793, s'était vaillamment conduit, au point d'attirer l'attention et de mériter les éloges du général de Précy. Il avait conservé des senti- ments royalistes, qui lui valurent, en 1814, la décoration du Lys. Dans la même maison logeait un vieux canut, du nom de Ganthon, qui était un ancien jacobin. Il visitait mon hôte et avait avec lui de violentes disputes politiques. Ils se reprochaient leurs faits et gestes à l'époque du siège et de Compagnie de Jéhu (3). En quittant ces braves gens et leur logement un peu pri- mitif, je louai, au prix de vingt francs par mois, payés d'avance, une chambre garnie située au quatrième étage sur la place des Jacobins, sous le toit, où la chaleur torride de l'été de 1820 se fit terriblement sentir : ce qui me fit commettre l'imprudence de dormir les fenêtres ouvertes, par lesquelles s'introduisirent de nombreux moucherons qui me couvrirent les mains de piqûres. Ignorant de quelle nature pouvait être cette éruption, je m'empressai de la soumettre le matin à la clinique. L'examen fait par tout le personnel médical ne put déterminer le caractère de cet exanthème, que par prudence on regarda comme conta- gieux. Ce ne fut que beaucoup plus tard que je pus l'attri- buer avec certitude à des piqûres de cousin. (3) Les bandes de la réaction thermidorienne en Provence avaient pris le nom de Compagnons de Jéhu, en souvenir d'un personnage biblique. Cette société secrète, composée de contre-terroristes, commit, en 1795, d'affreuses représailles.