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22                     L'ÉCOLE LYONNAISE

nous donner un jour le spectacle de la plus féconde
variété.... Mais écoutons M. Tisseur invoquer la fau-
vette :

     D'autres loûront Ephèse et Rhodes et Pallène,
     Les Dioscures saints et la divine Hélène,
     Les superbes héros et les rois querelleurs.
     fe dirai la fauvette et candide et touchante
     Et ses amours plaintifs et ses jeunes douleurs;
     Et comment je la suis quand elle saute et chante,
     Errant de fleur en fleur sur les rosiers touffus.
     En moi-même attendri, des présages confus
     Me viennent assiéger le cœur. Il m'est facile,
     O chanteur pur et doux, de savoir ton asile !
     — M'en préservent les dieux! Hélas! j'aurais trop peur
     De rencontrer un jour, brisée ou démunie,
     L'arche où tu dors en paix sur les tiens. — Tout bonheur
     Renferme en soi le deuil, toute joie est punie.

   « Voilà, n'est-il pas vrai? qui est sentencieux avec finesse
et bien tendrement descriptif. Amiel avait trouvé le pay-
sage « état d'âme » : n'est-ce pas ici, dans le vol de ce
petit oiseau, toute l'inquiétude particulière aux cœurs des
hommes qui se doutent un peu de la fragilité de la joie?
Et ces gracieux vers n'ont pas été faits à la mécanique,
non plus que telle belle tirade de Psyché :
     Quel Dieu ne s'est troublé pour une vierge humaine ?

   « Non plus que les strophes de Louisa Siefert ou les
couplets de cet admirable Pierre Dupont. Ou, si tant de
pures beautés ont été faites au métier, je me hâte de pu-
blier qu'à Lyon les tisseurs possèdent des métiers très
merveilleux et enchantés comme les fuseaux des fées dans
les contes. »
                                        CHARLES MAURRAS.