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CHARLES BAUDELAIRE 433 t-il pas été surtout comme nous le disions, et comme le pensent ceux qui l'ont le mieux connu, un fanfaron de vice ? Sans doute ce n'est pas là une excuse; mais quand on le voit, dans tous ses écrits, si triste, si dégoûté de sa vie et de lui-même, quand on entend ces mots de regrets, de remords, qui reviennent sans cesse comme un refrain dans son éternelle plainte, la pitié domine tout autre sentiment. Que cette âme, malgré tout, fût haute et noble, qu'elle eût le sens des grands côtés de la vie, et les aspirations naturelles aux esprits supérieurs, je n'en veux d'autre preuve qu'une poésie qui n'a, je crois, été imprimée nulle part, et que j'ai reçue de sa main même à l'une de nos der- nières entrevues : Hélas ! qui n'a gémi sur autrui, sur soi-même ? Et qui n'a dit à Dieu : « Pardonnez-moi, Seigneur, Si personne ne m'aime et si nul n'a mon cœur ? Ils m'ont tous corrompu ; personne ne vous aime ! » , Alors lassé du monde et de ses vains discours, Il faut lever les yeux aux voûtes sans nuages, Et ne plus s'adresser qu'aux muettes images, De ceux qui n'aiment rien consolantes amours. Alors, alors il faut s'entourer de mystère, Se fermer aux regards, et sans morgue et sans fiel, Sans dire à vos voisins : « Je n'aime que le ciel, » Dire à Dieu : « Consolez mon âme de la terre ! » Tel, terme par son prêtre un pieux monument, Quand sur nos sombres toits la nuit est descendue, Quand la foule a laissé le pavé de la rue, Se remplit de silence et de recueillement. Cette pièce ne se lit dans aucun des livres de Baudelaire,