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I42 EN OJSANS et le pénétrer intimement. Beaucoup l'ont jugé trop vite et n'ont pas su fouiller en lui pour y découvrir les qualités qu'il cache. Aujourd'hui, mon frère et moi nous sommes de ses amis. Plus que tout autre, il a une passion pour son sol sau- vage; les absences de quelques jours lui sont pénibles. Enfin, il voit les splendeurs de l'Oisans et, chose rare chez un guide, il admire. Peut-être n'admire-t-il pas avec tout le monde : les sentiments les plus délicats sont sou- vent les mieux renfermés. Il me disait au sommet de la Meije : « Dans quelques jours, Monsieur, vous irez à Paris voir l'Exposition, eh bien! je vous le jure, vous ne verrez rien d'aussi beau. Regardez ! » [Et le bras tendu, il me montrait la barre des Écrins : Vous aviez raison, père Gaspard, les ouvrages de la main des hommes sont à cent lieues de tout cela!... Seulement, pour le savoir, et pour le dire, il faut encore comprendre la montagne, il faut avoir au cœur ce quelque chose d'innommé que les foules n'ont pas, qui fait que nous cueillons des fleurs où d'autres n'ont foulé que des cailloux et que nous trouvons des diamants où ils n'ont vu que des morceaux de verre qu'ils ont poussés du pied ! « Ecoutez ! la musique ! » crie tout à coup Roderon, qui depuis Saint-Christophe n'a pas ouvert la bouche. Il s'est dressé, mû par un ressort, il a Fceil hagard, l'air inspiré: nous croyons qu'il devient fou... Pas du tout! — Par les couloirs vertigineux qui plongeaient au nord sur le Glacier de la Meije, les bouffées du vent nous apportaient des éclats de fanfare, une marche militaire, et sitr la route de la Grave, nous apercevions du bout de nos