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LAMARTINE 379 ment; 2° moralement ; 3 0 intellectuellement... Comme il disserte à tout bout de champ sur les civilisations, sur l'état présent et sur l'état futur du monde, ilvoitd'un œil sûr un avenir où l'on sera tous frères, et où les loups ne man- geront plus les moutons; mais, je le répète, la chose qui le frappe par dessus tout, c'est la gravité auguste du mahomé- tisme. J'affirme que je n'exagère pas, que j'atténue plutôt : on n'a pas idée de la sorte de genre humain que Lamartine a découvert en Orient. Et il n'y met aucun artifice, il est sincère de la tête aux pieds. Il a transporté là -bas avec lui l'Orient des'fééries, et il le décrit consciencieusement (3). Aussi bien, il était encore en rade de Montredon, dans les eaux de Marseille, qu'il le décrivait déjà . De ce mélange incroyable de fatuité, de niaiserie et de naïveté est résulté un ouvrage insupportablement ennuyeux. Tout y est cherché et recherché. A chaque rencontre, c'est un monde de réflexions qui éclôt dans l'âme du voya- geur, et ces réflexions n'arrivent pas spontanément, elles sont sollicitées, tirées 'de loin, quelquefois de très loin, et ne finissent plus. L'auteur, dont le génie était déjà trop facile, se bande l'imagination, d'abord pour les trouver, puis pour en tirer tout le parti possible, pour les retourner, pour les creuser, pour les prolonger. Dans cet effort, tout vrai sérieux, toute portée disparaît ; les convenances même les plus élémentaires ne sont pas toujours respec- (3) Je cite. « La nature ici (en Syrie) est véritablement un hymne perpétuel à la bonté du Créateur, et aucun ton faux, aucun spectacle de misère ou de vice, ne troublé, pour l'étranger, la ravissante harmonie de cet hymne ; hommes, femmes, oiseaux, animaux, arbres, monta- gnes, mer, ciel, climat, tout est beau, tout est pur, tout est splendide et religieux, » VOYA.GE EN ORIENT, 6 novembre 1S32.