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LAMARTINE 325 si l'on veut pénétrer le mérite profond de l'œuvre et s'ex- pliquer son succès par des raisons sérieuses, qui sont les vraies. Ce succès fut, je l'ai dit, foudroyant. Il a mérité,pour l'éclat et la soudaineté, d'être rapproché de celui du Génie du christianisme ; au fond, il a eu les mêmes causes, il a été lui aussi un succès de doctrine encore plus que d'accent poétique. Une formule qui revient sans cesse sous la plume de la critique à propos des Méditations, est celle d' « œuvre élevée, pure, religieuse, chrétienne ». Le dernier mot est de trop. Ce qui était, en effet, dans les Méditations, ce n'était pas la foi ; c'était une philosophie élevée, le platonisme, le spiritualisme, en un mot la raison humaine, et quand la raison humaine se reconnaît quelque part, elle ne manque jamais de s'acclamer. Or, elle ne faisait pas que se reconnaître là , elle s'y reconnaissait dans une parure magnifique. L'auteur avait même eu de la méthode, à quoi il ne devait plus revenir. Le recueil se compose de trente pièces, qui se partagent par moitié, avec une alternance presque rigoureuse, en effusions purement lyriques, faites de passion et de rêverie, où la philosophie vient seulement prêter une âme à la nature et une profondeur mélancolique à la passion, et en épîtres didactiques d'intention et de forme, où les doctrines de la philosophie spiritualiste sont expres- sément exposées et déduites, de la façon dont eût pu les déduire et les exposer un Platon éclairé par le christia- nisme. Le type des pièces du premier genre, ai-je besoin de le dire ? est Le Lac. Eternité, néant, passé, sombres abîmes, Que faites-vous des jours que vous engloutissez ? Parlez : nous rendrez-vous ces extases sublimes Que vous nous ravissez ? N» 4. — Octobre 1890. 21