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LES UTOPIES SOCIALISTES 69 plaisants. Aristophane lui-même passe rapidement sur la seconde loi votée, la communauté des femmes et des enfants. Il se contente de quelques scènes burlesques qui sont plutôt en dehors de la question. Nous citerons seule- ment deux traits d'excellent comique qui à eux seuls réfutent suffisamm'ent l'utopie. « Si nous vivons de la sorte, demande un personnage, comment les pères pourront-ils reconnaître leurs enfants ? — C'est simple, répond Praxa- gora, les jeunes regarderont les plus âgés comme leurs pères. — Ah ! bien alors il est à craindre qu'on étrangle de bon cœur les vieillards, puisque maintenant même que chacun connaît son père on se gêne si peu pour lui tordre le cou. Comme on va désormais traiter les pauvres vieux ! » Et plus loin. « Mais si un tel ou un tel vient publiquement m'appeler papa, ce ne sera pas amusant. — Et encore ce ne serait rien. — Quoi donc ? — Si Aristyllus par exemple, venait t'embrasser comme son père. ~ Ah ! gare à lui, s'il l'osait ? — C'est qu'alors tu sentirais joliment la menthe. » Il paraît que le malheureux Aristyllus était obligé de neutraliser, par l'odeur de la menthe, un autre parfum peu agréable pour ceux qu'il embrassait. Jugez quels éclats de rire dans un auditoire où Aristyllus était connu de tous les spectateurs, où peut-être il était assis lui-même, les regards de tous braqués sur lui. Car il ne faut pas l'oublier, tous ces noms étaient des noms propres, des noms de per- sonnages réels, vivants, que tout le monde reconnaissait au passage. C'était de la comédie, ou plutôt de la satire toute personnelle. Revenant sur nos pas, à la communauté des biens, il faut terminer par un mot qui, au milieu de ces bouffon- neries, arrête le penseur sérieux. Lorsque Praxagora développe à son mari ses beaux plans