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372              NOTES D'UN PROVINCIAL

sage que j'avais raté, et dont j'ai fait une imitation de Corot.
Je l'ai vendu 500 francs à un marchand de tableaux, mais
c'est le marchand qui a mis la signature. »
   Millet était moins imitable, et il n'a pas été notoirement
imité. Il y avait de lui à l'Exposition une petite toile,
incontestablement fort agréable dans sa tonalité blonde,
 les Meules ; mais serait-il vrai que ce tableau aurait été
payé 300,000 francs? Encore n'est-ce pas là le Millet
des critiques, le Millet unique et incomparable, le seul,
comme diraient ceux qui ont pleuré de bonheur en voyant
que la France allait conserver ïAngélus au prix de 553,000
francs. Le vrai Millet, pour eux, c'est le Millet de VAngélus
déjà nommé, de l'Homme à la houe, des Glaneuses, de la
Fikuse, des Tueurs de cochons, des Paysans rapportant un veau
né dans les champs, et justement celui-ci, je n'hésite pas plus
à le dire que pour Corot, est très inférieur à l'autre. Sa
première invention a été de faire pontifier les paysans, qui
sont bien de nature et d'habitudes les gens les moins pon-
tifiants du monde. Dans VAngélus même, l'attitude des per-
sonnages est outrée et fausse. Les Bretons bretonnants n'at-
teindraient pas à ce recueillement-là, et quand on songe que
Millet était le maître de Barbizon, qu'il peignait en Seine-
et-Oise! Mais c'était chez lui un principe, et qu'il nous
présente par exemple des paysans rapportant sur un bran-
card cette chose informe qui est un veau né dans les champs,
il ne manquera pas de les faire encore pontifier. C'est même
tout l'intérêt que j'ai pu découvrir à ce dernier tableau.
Millet a de plus imaginé de remplacer les personnages par
leurs silhouettes, et le modelé par quelques touches som-
maires où se reconnaissent à peine des traits humains.
C'est-à-dire qu'il a pris des sujets de peintre hollandais, et
qu'il les a traités au rebours des peintres hollandais, dont le