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384 NOTES RÉTROSPECTIVES Une dégradation savante dans la valeur des tons, donne au spectateur l'impression poignante dont il ne peut se défendre à la vue du jeune blessé, et de ses compagnons sur lesquels plane l'angoisse de l'inquiétude. Les person- nages du drame sont si bien à leurs plans, qu'ils paraissent de grandeur naturelle alors qu'ils sont seulement au tiers de grandeur. Ce tableau de notre compatriote, très remarqué au der- nier Salon de Paris, a été, au Salon lyonnais, l'objet de la plus constante et de la plus sympathique admiration. En achetant deux toiles importantes, — auxquelles elle aurait pu ajouter les Roses merveilleuses et symboliques de M. Perrachon, l'un des facteurs les plus actifs et les plus persévérants de la Société des Beaux-Arts, — La ville de Lyon a donné une sanction particulière au mérite des deux artistes privilégiés, MM. Luminais et Thurner. Ce dernier est un peintre de fruits mûrs. Il peint les pêches en leur automne et les prunes en leur décadence ; ses figues saignent, largement blessées en leur flancs rebondis et la chair rouge de ses melons est toute pantelante. On dirait une boucherie de fruits, et ce réalisme, rendu avec une adresse de main hors ligne, une richesse infinie de tons, une souplesse de lignes et une variété de formes aux- quelles on ne peut que rendre un hommage mérité, lasse le regard par sa rutilance et rassasie l'admiration. On a vraiment un peu mal au cœur, après avoir regardé ces orgies de fruits rouges, jaunes, livides et bleuâtres, et c'est là , en vérité, que triomphe le talent du peintre. Quant à Luminais, c'est un vieux lutteur, un vétéran sympathique de nos Expositions lyonnaises, un peintre de race et de tempérament.