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L'Å’UVRE DE PIERRE DUPONT S 79
Pierre Dupont tient donc une place à part dans la
chanson française. C'est une sorte de primitif, et quelques-
unes de ses strophes semblent une éclosion tardive de
l'églogue antique; de même, certains côtés du caractère
lyonnais, pour qui sait observer, perpétuent, à dix-huit siè-
cles de distance, le souvenir des premiers colons de la cité.
Mais il est encore un trait à noter chez le chansonnier :
sous un ton d'aimable simplicité, sous des expressions
souvent pleines de grâces et de caresses, perce un tem-
pérament énergique, une nature puissante. Le mystique,
le rêveur, le bucolique reste toujours un mâle.
Par sa virilité surtout, mais aussi par ce tour d'esprit qui
rappelle naturellement, et sans affectation d'archaïsme,
l'antiquité, Pierre Dupont se distingue de certains écrivains
éminemment français dont nous serions tenté de le rappro-
cher : de La Fontaine et de Musset, par exemple. Il en a
pourtant les qualités primesautières, l'abandon original et
la langue facile; comme eux aussi, il a besoin que
le temps mette, entre ses juges et lui, le recul nécessaire
pour que les imperfections de l'individu disparaissent et
que l'Å“uvre seule se montre avec toute sa valeur.
La postérité, nous en sommes certain, conservera en
bon rang la plupart de ses poésies. Quant à l'homme,
comme ce fut un cœur simple et croyant, comme il a
beaucoup aimé la nature et les petits de ce monde, il doit
lui être beaucoup pardonné.
Auguste BLETON.