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366             L'Å’UVRE DE PIERRE DUPONT

   Dans cette fin de strophe, le signe de race se trahit. Car
si le propre de l'esprit lyonnais est de pousser jusqu'à
l'extrême l'amour du sol natal, il se prend, après avoir
donné libre cours à ses aveux, d'une subite pudeur et
cherche assez souvent à se faire pardonner ce qu'il est le
premier à qualifier d'engouement.
   C'est que nous restons, non seulement dans l'expression
de notre patriotisme, mais en toutes choses, des timides,
et, travers ou qualité, cette retenue native fait que nos
œuvres ont d'ordinaire quelque chose d'hésitant et d'ina-
chevé. Aucun de nos penseurs, écrivains, artistes ou savants
— ils sont pourtant nombreux — n'eut de ces élans puis-
sants et soutenus qui mettent un homme hors de pair et lui
assurent une place aux confins de la gloire humaine.
   Il en est, au surplus, de l'action collective comme de
l'action individuelle. Tout projet passe, chez nous, par une
période de tâtonnements dont la longueur équivaut souvent
à un abandon ; lorsqu'un plan se réalise, il est rare qu'on
n'en sacrifie pas quelque point important ; nulle part la
dernière main ne se fait plus longtemps désirer, et, après
cinq siècles écoulés, les tours de la Primatiale attendent
encore leur couronnement.
   Pierre Dupont reflète bien ce côté du caractère lyonnais.
Parfois, dans ses chansons, l'idée s'attarde à chercher le
mot qui doit la traduire ; parfois, après avoir fourni une
envolée brillante, la strophe retombe piteusement, ou bien
encore la pièce finit, sans que l'auteur paraisse avoir achevé
sa pensée.
   Ces hésitations et ces chutes se retrouvent dans la partie
musicale de l'œuvre. Admirablement adapté aux paroles, le
rythme a des indécisions qui, sous une apparence de sim-
plicité, rendent les chants de Pierre Dupont d'une exécution