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L'ŒUVRE DE PIERRE DUPONT 365 l'aspect des campagnes natales. C'est à ce point que, chaque fois qu'il essaie d'autres tableaux, sa chanson y perd. Les sapins, fils de nos montagnes, lui fournissent de larges strophes et surtout ce beau refrain, rythmé comme une prière : Dieu d'harmonie et de beauté, Par qui le sapin fut planté, Par qui la bruyère est bénie, J'adore ton génie Dans sa simplicité! Mais, lorsqu'il chante le pin, « colon hardi qui sur les flots de sable empiète », l'inspiration s'égare, et l'ampleur du refrain, plein d'un souffle homérique, n'arrive point à déguiser le vide des couplets. S'il veut célébrer la mer, c'est bien pis. Le poète ne voit plus dans l'Océan, « tordant sa vague au reflet vert », que matière à nous faire un cours de physique et de chimie, man- quant à la fois d'intérêt scientifique et de charme poétique. Mieux vaudra revenir avec lui sur les bords de la Saône, témoins de son enfance, sous les frais ombrages de Roche- taillée où le souvenir ramène souvent sa Muse : Dans le pré, le saule bleuâtre Se marie aux verts peupliers : Le village en amphithéâtre Étale ses hauts espaliers. Est-il plus riant paysage ! La Saône, miroir transparent, Y dort si bien que, du rivage, César n'en vit pas le courant. Je crois que ma barque dérive, Que fait César à ma chanson I Pour célébrer cette humble rive, Il suffit du chant d'un pinson. N» ( . - Mai 1888. 24