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D'ALPHONSE DAUDET 263 N'est-ce pas charmant ? Je me disais en feuilletant ce petit volume, que si M. Daudet a rencontré par ses romans la fortune et la renommée, il a peut-être délaissé la voie où il aurait trouvé plus sûrement la gloire. |I1 était né, croyons-nous, plus poète que romancier. Il est vrai que, poète, il fût probablement demeuré pauvre. Lamartine et Hugo sont à part ; la poésie n'a enrichi ni Musset, ni Laprade, ni Leconte de l'Isle, ni Sully-Prudhomme ; et si M. Coppée possède un jour un château à côté de ceux des romanciers ses confrères, il le devra à ses succès de théâtre, non à ses plus beaux poèmes. Alphonse Daudet est surtout redevable aux Amoureuses d'un commencement de fortune. Elles lui firent faire la connaissance de M. de Morny, qui le prit pour secrétaire particulier. M. Daudet dans son nouveau volume passe complètement sous silence cet épisode de sa vie. Nous n'avons pas à scruter les motifs de ce silence ; mais -plus d'un supposera que le souvenir de M. de Morny le gêne un peu, à cause de ce comte de Mora qu'il a peint en traits si cruellement énergiques dans son roman du Nabab. Mais un écrivain célèbre qui raconte sa vie donne au public le droit de compléter son récit, d'en combler les lacunes ; et il doit s'attendre qu'on recherchera avec d'autant plus de curiosité précisément ce qu'il ne dit pas. M. le duc de Morny, président du Corps législatif, alliait à beaucoup d'esprit des prétentions littéraires. On sait qu'il est l'auteur de plusieurs petites comédies qu'il faisait représenter aux Bouffes-Parisiens et qu'il publia sous le pseudonyme de Saint-Rémy ; notamment la réjouissante bouffonnerie intitulée M. Choufleury restera chez lui. Il est à croire que l'esprit gamin d'Alphonse Daudet a été pour quelque chose dans la composition de ces petites pièces où