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T 34 LES CANAUX D ' I R B I G A T I O N Les défenseurs sont nombreux, parce que nombreux sont les intéressés. Il y a d'abord la classe des faiseurs d'affaires : les finan- ciers que le maniement de 200 millions met en chasse : emprunts à souscrire, actions et obligations à émettre ! Pour eux, toutes affaires, même les mauvaises, sont bonnes. — Puis les entrepreneurs, qui se complaisent à la pensée de ces énormes adjudications. Puis les fabricants de chaux, qui auront à en fournir pour 40 millions. Puis tous ceux qui, de près ou de loin, jettent leurs hameçons dans les grandes affaires ; les grandes affaires sont troubles, et les eaux troubles sont poissonneuses. A côté de cette classe de spéculateurs, il faut citer, d'une voix discrète, ceux que leur situation locale met dans la nécessité de se faire les champions de l'intérêt local : ce sont parfois des hommes politiques, qui un jour ont promis beaucoup, et qui, sous peine de mort — de mort électorale, s'entend, — sont tenus de consacrer leurs efforts, souvent même leur talent, à la réalisation de leurs promesses. 11 y a enfin ceux pour qui on n'a pas le courage d'être sévères : je veux dire les habitants de l'Ardèche, du Gard et de l'Hérault. Pour ceux-là , c'est une aubaine sans précédent. On va dépenser 200 millions à leur unique profit. 200 millions. Vous m'en direz tant ! comme dit Figaro. C'est là un argument de poids qui ne souffre pas de réplique ! Tous sont intéressés à ce grand banquet. Et tous, mus par des pensées diverses, réunissent leurs efforts pour faire triompher le projet définitif. Et l'on voit les habitants de l'Hérault et du Gard réclamer l'exécution du projet pour avoir de l'eau aux frais du Trésor public ; et Ton voit les