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IC2                         PAUL HUMBLOT

la plus gracieuse confraternité : on le voyait dans toutes nos réunions
et souvent, il nous y donnait la joie de l'entendre et de l'applaudir. Ce
jour-là, il se surpassa lui-même. Avec cette magnificence de langage,
dont il avait le secret, il félicita le glorieux confrère « qui rapportait,
disait-il, à sa ville natale, les lauriers de la tribune, les souvenirs d'un
 b.itonnat consulaire, les palmes académiques. » — Il rappela aussi, en
 termes émus, qu'un jour, en 1834, ce confrère, poursuivi pour délit
 de presse, était devenu son client; il n'ajouta pas, mais nous le savions
tous, que c'était à cette occasion qu'il avait prononcé devant la Cour
une plaidoirie demeurée mémorable entre toutes et à laquelle il dut un
des plus beaux triomphes qu'il eût jamais remportés !
   Nous étions littéralement sous le charme : jamais nous n'avions
mieux compris le mot célèbre, qui avait salué à son aurore ce mer-
veilleux talent ! L'orateur s'était tu depuis longtemps qu'on écoutait
encore ; et eu entendant la grande voix restée si puissante, après tant
d'années de retraite et de silence, on se demandait avec étonnement ce
qu'auraient dû être, aux jours de la jeunesse, dans les luttes ardentes
du Forum et de la barre, les splendeurs de cette éloquence incom-
parable.
   Puis, vint Humblot, notre cher et regretté Humblot, qui, jusqu'alors,
nous était resté fidèle, mais que la Magistrature allait bientôt nous
enlever. La plupart d'entre vous ne l'ont connu qu'à une époque où il
n'était plus que l'ombre de lui-même. Mais nous, vos anciens, qui
l'avons vu dans toute la plénitude de ses brillantes facultés, nous
n'avons point oublié cette autre parole si élevée, si sympathique, qui
toujours s'inspirait aux sources les plus généreuses et que voilait, dans
les derniers temps, cornue une ombre de mélancolie! Dans cette belle
joute oratoire, Humblot sut n'être point inférieur à ses deux redou-
tables partenaires, et en l'applaudissant à son tour, nous sentions tous
que sur un plus vaste théâtre et servi par les circonstances, il eût été,
lui aussi, une des gloires les plus pures du Barreau français!
   Ce fut une de ces fêt;s dont on garde éternellement le souvenir, une
fête dans l'enivrement de laquelle personne, pas même celui qui en
était le héros, n'eut le pressentiment des sombres jours et des san-
glantes épreuves que nous réservait un avenir, hélas ! si prochain !