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lé                          PAUL HUMBLOT

coup sa mauvaise humeur grondeuse, au moindre stimu-
lant, se cabrait, s'emportait, terrible, impétueuse, tonnante,
domptant les convictions, inondant de lumière, d'un seul
geste balayant la plaidoierie de l'adversaire, atteignant par
la voix, le regard, l'expression magnifique de la pensée, une
puissance inconnue que nul n'égalera jamais.
   Ce n'était pas la parole ardente et habile de Chaix
d'Est-Ange, étincelante d'images, donnant la vie aux per-
sonnages, passionnant le récit, prêtant à l'aridité d'une
cause le décor captivant d'un roman, éloquence alerte,
nerveuse, dramatique, qui, déroutant les disgrâces de la
mode, n'a pas vieilli d'un jour et, jeune après quarante ans,
conserve encore le charme du premier instant.
   Ce n'était pas davantage la période pure de Jules Favre,
semblant, comme la poésie, se discipliner à une mesure
harmonieuse, à un nombre cadencé, « ces phrases péril-
leuses, qui, emportant la pensée dans leur courbe hardie,
éclataient à des hauteurs infinies en gerbes magnifiques et
retombaient lentement au milieu d'une pluie d'étin-
celles (3). »
   Humblot rêvait tout haut. Une grande pensée religieuse
ou morale, de celles qu'il aimait et fréquentait sans cesse,
soudain se présentait, s'imposait à son esprit. Négligeant
tout le reste, se laissant aller à cette séduction, il en suivait
en artiste tous les développements qui lui apparaissaient
dans une lumineuse clarté. Insouciant du procédé, de la
recette, du moyen matériel de produire un effet, dédai-
gnant dans une suprême indifférence le secours que le
comédien apporte à l'orateur, il ne demandait son éloquence



     (3) Rousse. Discours de réception à l'Académie.