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LA. BOUCLE D'OR 289 réuni à la musique, joue le rôle de l'âne qui porte des reliques. Ces considérations qui peuvent vous paraître transcen- dantes, m'étaient suggérées par Jean Michel lui-même. Nature fjne et méditative comme beaucoup de tisseurs lyonnais, il avait, dans les longues heures du silence forcé de l'atelier, enrichi son bagage intellectuel de tout ce que procure l'esprit d'observation et d'analyse. Jean Michel en arrivait à pardonner à son père son cuite pour la musique, poussé jusqu'à l'oubli des devoirs essen- tiels, et, s'inclinant devant le prestige de M. Julien, au moins autant que devant sa situation de fortune, il ne cherchait même pas à se poser en rival. Dans la pensée de Jean, la Garite méritait un trône, et lui, chétif, osait à peine la regarder à la dérobée. Quant à M. et Mme Bonin, ils n'étaient point sans péné- trer le sens des assiduités de M. Julien, plus marquées que ne les autorisent des rapports entre voisins de condi- tions aussi différentes. Du reste, Mme Julien mère, cons- tamment maladive, ne quittait guère la chambre, et le père ne paraissait jamais aux petites fêtes de la famille Bonin. La situation risquait de devenir fausse et compromettante, d'autant plus que les parents adoptifs de la Garite avaient toujours répété à qui voulait l'entendre que, « pour des raisons de famille », ils ne la marieraient pas avant sa majorité. Cette déclaration mettait du baume sur le cœur blessé de Jean Michel. Son bonheur fut à peu près complet, quand