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UNE SOIRÉE DANS L'AUTRE MONDE 441 intense. Il arrache la lame, le cheik étend la main sur ses plaies béantes, le sang s'arrête, il est guéri. Cependant, le rythme des chants et des tam-tams active sa cadence et s'ac- centue davantage, poussant les danseurs au paroxysme du délire. Un Arabe aux longs cheveux épars, le torse nu, au faciès d'hyène, prend un sabre, le fait tournoyer autour de sa tête dans un moulinet furieux, avec des bonds de pan- thère. Il appuie le tranchant sur son ventre nu. La peau résiste et n'est pas entamée. De même sur le cou, sur les joues et les lèvres. Debout sur le coupant, il piétine avec rage et essaie vainement de se blesser. Enfin, il place sur sa gorge la pointe du sabre. L'iman en saisit la poignée et appuie de tout son poids sur la lame qui plie comme un roseau et ne perce pas même la peau. Il n'y avait là aucune jonglerie, j'ai tenu le sabre dans ma main, il était parfaitement affilé et pointu, nullement préparé ; j'étais à un mètre au plus de l'Arabe, par con- séquent, aucune tromperie n'était possible. Je ne vous décrirai pas dans tous leurs détails les atroces épreuves qui se succédèrent. Dans l'excitation du moment, sous l'influence du milieu d'énergumènes qui vous entoure et vous presse, elles ont un passionnant attrait pour le spectateur, mais le récit en est aussi écœu- rant que le souvenir. Aussi, ne vous parlerai-je pas de morceaux de verre brisés entre les dents, mâchés et avalés; de fers rougis au feu, léchés avec délices, de plaques incandescentes appliquées sur les mains et la plante des pieds, pendant que les chairs grésillent et fument dans une odeur de roussi. Et toujours un simple attouchement de la main du cheik sur les plaies les guérit sous nos yeux. Enfin, un des danseurs allume une botte de paille d'alfa, et flambante,