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BIBLIOGRAPHIES LYONNAISES 321 accueillie et louée par les hommes les plus sérieux de son époque ? Eût-elle été l'amie de jeunes filles essentiellement honnêtes et ver- tueuses ? Eût-elle gardé l'affection et l'estime de son mari ? Et celui-ci en eût-il fait son héritière? M. Boy s'est souvenu que la haine et la jalousie se sont toujours attaquées à tout ce qui est grand et brillant. La politique surtout est impitoyable et il ne faudrait pas que nos petits neveux prissent pour des vérités vraies tout ce qui se publie dans les journaux, les brochures, les chansons et les pamphlets de notre temps. Emu de pitié pour la grande accusée, M. Charles Boy a rêvé une nouvelle édition des œuvres de la belle Cordière, en suivant le texte primitif de Jean de Tournes, et surtout en résumant tout ce qui a été dit sur elle. Un éditeur célèbre, Alphonse Lemerre, a mis ses presses à sa disposition et de cette collaboration habile deux charmants petits volumes sont sortis, égalant presque le luxe et l'élégance de l'édition de Simon Raçon, éclipsant toutes les autres ; aussi complète en notes et en documents que celle de Breghot du Lut; n'ayant de rivale nulle part ailleurs pour l'intérêt historique, la pureté du texte, la sévérité de la correction, la nouveauté des aperçus et tout ce qui peut séduire ou désarmer le bibliophile le plus exigeant. Le premier volume contient un : Avertissement au lecteur, les Œuvres de Louise Laie, la bibliographie, des notes et des variantes. Le second des : Recherches sur la vie et les Œuvres de Louise Labè; puis un Glossaire. Ceci est la partie neuve de l'ouvrage, celle qui sera lue avec le plus de curiosité, celle qui lie à jamais le nom de M. Boy au nom immortel de notre compatriote, si grande par le génie, si séduisante pour nous par la grâce et la beauté. Impartial et homme de cœur, M. Boy n'a pas voulu à lui tout seul réviser un si délicat procès. Il en a mis toutes les pièces sous les yeux du public, a loyalement fait connaître les attaques, les ripostes et après avoir avoué, ce qui était su de tous, que deux ou trois sonnets sont empreints de la plus violente passion, il n'en conclut pas que Fauteur est une créature éhontée ; il rappelle les mœurs du temps tout à la galanterie et au phœbus, et, contrairement à quelques avis, ne voit, dans les vingt-quatre sonnets de Louise, qu'un jeu d'esprit, un poème complet, divulguant les divers états de l'âme d'une jeune femme, non des morceaux indépendants, inspirés par la passion du moment, et s'adressant directement à tel ou tel de ceux qui lui faisaient la cour. N° 4. — Avril 1887. 21