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238                          BIBLIOGRAPHIE

 voir couler par moments simple et facile, pour ne prendre son accen-
 tuation particulière que dans les endroits saillants. Dans les « tableaux »
 de M. Avias, — je parle des tableaux au moral comme au matériel —
 les fonds sont aussi « faits » que les figures du premier plan. On
 aimerait à lui voir « envelopper », comme disent les peintres, certains
 accessoires. Les endroits en lumière en acquerraient, semble-t-il, plus
 de paix. « L'éloquence continue ennuie » a dit La Bruyère ; la perfec-
 tion continue lasse.
    Il est assez curieux qu'après avoir tant vilipendé Chateaubriand
depuis quarante ans, nous en arrivions aujourd'hui à nous approprier
ses procédés. Il est certain que la prose de beaucoup de nos jeunes
 auteurs, avec une autre coupure de la phrase et un autre choix de
mots, est-ce que les professeurs de rhétorique nommaient autrefois
 « la prose poétique », encore bien que l'on se serve souvent aujour-
d'hui de cette prose pour exprimer les choses les moins poétiques.
Tel n'est pas le cas pour M. Avias, qui n'avilit jamais sa plume. Mais
c'est si bien de la prose poétique qu'on se demande parfois pourquoi
il y manque le rhythme et la rime. Aussi, c'est tout naturellement
que dans le joli chapitre intitulé « Pastel », on voit revenir à la fin,
comme un rappel de mélodie, l'alinéa du commencement.
    Cette grande préoccupation de la forme a un autre effet : c'est
que celle-ci prend une telle importance que l'on arrive à écrire, sous
le nom de nouvelles, de simples morceaux littéraires, d'où la compo-
sition est exclue et qui tirent leur intérêt unique de l'art du bien dire.
 Autrefois on donnait le nom de nouvelles ou à des sortes de romans
très abrégés, avec un commencement, un milieu et une fin, ou à des
anecdotes développées et piquantes. Il y a dans le livre de M. Avias
des morceaux conçus sur ce plan. Tels sont, par exemple, le Refuge, la
Révocation, le Conte noir, mais il en est d'autres, comme la Nourrice, qui
sont de simples peintures, ou comme l'Elégie, la Rue des Teinturiers,
la Demoiselle hleue, ce que j'appellerai simplement des airs variés pour
violon. Il est vrai que M Avias joue si élégamment du violon! C'est
un virtuose.
  Quant aux récits que je nommerai « composés », ils témoignent
chez l'auteur d'une force d'imagination remarquable ; mais d'où vient
cette impression que la puissance de réalité dans le « rendu » des choses
matérielles ne donne pas un sentiment correspondant de la réalité des