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               LE COMPARTIMENT DES FUMEURS                65

teries, je le laisse à deviner. « Mon cher, disait-il, en ma-
nière de conclusion, faut-il voir en toi un voyageur trop
naïf ou un mari trop vertueux ? Dans l'un et l'autre rôle, tu
n'as été qu'un nigaud. Ta baronne est, pour sûr, une
cocotte, et peut-être une espionne. — Une espionne, c'est
possible, répliquai-je, vexé ; mais si c'était la femme que
tu dis — une cocotte ! — avoue qu'au lieu de m'emprunter
deux louis, elle avait plus court de s'en laisser offrir cinq
par toi ! »
   Dure], sans nier qu'il y eût du vrai dans mon raisonne-
ment, n'en continua pas moins à me gausser. Pourtant, à
la fin, il fut forcé de confesser que, même avec les quarante
francs qu'il m'en coûtait, j'étais encore de nous deux, celui
dont notre aventurière s'était le moins moquée.


                                *
                               * *


   Cinq mois avaient passé là-dessus. Des préoccupations
autrement graves m'avaient fait à peu près perdre de vue
cet épisode de voyage, lorsque, au courant de janvier, je
reçus une lettre, portant le timbre suisse et contenant les
mots suivants, signés Durel : « Fais-moi adresser quelques
fonds par mon associé. J'ai hâte de rentrer à Lyon, pour
remplir un message dont m'a chargé une dame qu'on ren-
contre dans le compartiment des fumeurs. »
   Tout, dans ces lignes, était fait pour me surprendre, jus-
qu'à la signature de Durel. Parti à la tête d'une compagnie
de francs-tireurs, il passait pour mort. Car la compagnie,
surprise dans une reconnaissance, avait laissé son capitaine
et plusieurs hommes sur le terrain ou. aux mains de l'en-
nemi; ce qui était tout un, les Allemands refusant aux
        N° 1. —Janvier 1887.                          e