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ÉVÊQUE DE LYON 369 propriété des bords de la Durance que nous appelons Mont-de-Mars. » On trouve étrange, en second lieu, que les Lyonnais soient allés deux fois, en moins d'un siècle, chercher leur pontife dans la solitude : aurait-on oublié qu'alors, en France, la solitude était peuplée d'hommes illustres et de saints ? Assurément, ces vocations sans nombre à la vie contemplative avaient la foi pour mobile principal; mais la foi elle-même était puissamment aidée par le dégoût que le spectacle des ruines sociales inspirait à l'élite des Gallo-Romains. A la vue de tant d'humiliations, d'injusti- ces, de désordres sans remède, fruits amers de l'invasion des Barbares, bien des âmes généreuses prenaient en aver- sion les vanités d'ici-bas, et se faisaient dans le sein de Dieu un asile contre l'infortune des temps. Ligugé, Mar- moutiers, Saint-Victor de Marseille, Lérins, Ainay, l'Ile- Barbe et Grigny près de Lyon, Saint-Germain d'Auxerre, Condat dans le Jura, Agaune dans le Valais, ne suffisaient plus à ce besoin universel de silence et de prière. Tandis que saint Ebredulfe établissait dans la Neustrie quatorze monastères, on voyait naître les abbayes fameuses de Saint- Médard de Soissons et de Saint-Germain-des-Prés à Paris. Sur tous les points de la Gaule les fondateurs d'Ordres se multipliaient : saint Marculphe, saint Fridolin, saint Eusice, saint Calais, saint Junien, saint Léonard, et bien d'autres, ouvraient des refuges à ces multitudes de chrétiens qui ne voulaient plus, suivant le langage de Bossuet, « respirer que du côté du ciel. » Qui donc, après cela, se croirait le le droit de rejeter les récits contemporains parce qu'ils af- firment qu'en trois quarts de siècle, deux riches lyonnais lassés du monde se retirèrent, l'un dans un coin sauvage de la Provence, l'autre dans une île de la Méditerranée ?