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82                     SULLY-PRUDHOMME

  des Titans contre l'Olympe ; il est certain que cet assaut
  aboutira à une victoire et que le vieux Jupiter hellénique
 sera détrôné.
    Mais la victoire sème toujours des ruines autour d'elle.
 A la place des ingénieux symboles créés par le plus artiste
 de tous les peuples, oserons-nous mettre les formules sèches
 et arides des sciences exactes ? La poésie de l'avenir res-
 semblera-t-elle à ces traités didactiques du Moyen-Age où la
 forme du vers latin n'était plus qu'un système de mnémo-
 technie ? Quelques pessimistes soutiennent que la poésie ne
 peut plus convenir à un siècle tel que le nôtre, qui recherche
 avidemment la vérité et se défie de l'idéal. Je lisais derniè-
 rement, dans un article de critique, cette prédiction qu'en
 l'an 2000 on ne ferait plus de vers. Nos poètes réalistes
 contemporains ont leur réponse toute faite. En attendant
cette date, qu'on peut débattre ( i ) , comme le disait
Béranger, ils prouvent la perpétuité de la poésie par
sa fécondité. Jamais école n'a produit davantage ; mais
jamais école n'a plus résolument proposé pour but à
la poésie la simple description de ce qui frappe nos
sens. Quelques-uns de ses adeptes ont poussé jusqu'au
prodige leurs tours de force descriptifs. Mais c'est
une poésie évidemment fort secondaire que celle qui
se borne à charmer l'oreille par la richesse des rimes, à con-
tenter l'imagination par l'éclat d'une image réussie, à faire
converger tout l'artifice d'une petite pièce à mettre en relief
un mot heureux. Cette poésie vise à décrire le monde exté-



          (i) Qu'en l'an 2000, date qu'on peut débattre
              De la médaille on verrait le revers.

                            Béranger, Le dernier de nos rois.