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D'UN VIEUX GROGNARD 53 colonel ? Puis je songeais à sa Santé. Comment la retrou- verais-je ? N'avait-elle pas eu à subir d'autres crises dange- reuses ? Mon esprit était traversé par toutes sortes de folles idées, tantôt gaies, plus souvent tristes et parfois simple- ment ridicules. Après avoir embrassé mon père, je lui demandai s'il avait des nouvelles de Mme et M1|Q Durand. Une ombre de tris- tesse passa sur sa figure à cette question. — Tu y penses donc toujours? me répondit-il. Il vaudrait peut-être mieux te préoccuper exclusivement de ton état. L'empressement qu'il mit à détourner la conversation m'empêcha d'insister et commença à m'inspirer de l'in- quiétude. Je me promis d'éclaircir le mystère. Deux jours après, sous prétexte d'aller voir des parents dans les environs, je courus à Vais. Mon cœur battit bien fort en passant devant la maisonnette qu'elle avait habitée. La porte et les volets étaient fermés, mais il n'y avait là rien de surprenant ; nous étions en avril, et les baigneurs n'arri- vent guère avant le mois de juin ; en supposant que Mme Du- rand et sa fille fussent comme autrefois des hôtes assidues de Vais, je ne m'attendais pas à les y rencontrer de sitôt. Je voulais seulement savoir si elles y étaient venues la saison dernière et si on les attendait cette année. J'appris bientôt qu'elles n'étaient plus revenues depuis l'année de notre rencontre et qu'on n'en avait même plus entendu parler. Mon amour un peu endormi se réveillait à mesure que son objet semblait s'éloigner. Je résolus de partir immédia- tement pour l'endroit qu'habitait Mme Durand. C'est un des hameaux de la commune de Banne, qui borne d'un côté la plaine de Jalès et avoisine le pittoresque bois de Païolive. Je savais que l'abbé Velay avait refusé le serment constitu- tionnel. Il était proscrit, peut-être mort, mais un vieil ami t /