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                   D'UN VIEUX GROGNARD                     43

  — Voici bien le cas, dit le chasseur, de profiter du dic-
ton local :
              Quand le Mézenc prend son chapeau,
              Le voyageur prend son manteau.

   Airelle revint bientôt, ramenant Jeanne et sa mère, les
chevaux et le guide. Elle nous fit hâter le pas vers la ferme,
et ce n'était pas sans raison, car le ciel prenait un aspect
menaçant. En même temps qu'une formidable marée de
nuages s'avançait de l'ouest, lesvapeurs suspendues en l'air,
jusques-là invisibles et subitement refroidies par des causes
inconnues, formaient des taches grises dans le ciel bleu au-
dessus de nos têtes ; on sentait leur abaissement progressif
au poids dont elles pesaient sur nos poitrines et à la tension
électrique résultant sans doute du frottement de toutes ces
couches aériennes de températures diverses et de mouve-
ments contraires.
   Nous nous retrouvâmes tous avec le Grand-Pâtre et ses
bêtes dans rétable de la ferme. Le sorcier se tenait debout,
selon son habitude, au milieu de sa cour, et c'était vraiment
merveilleux de voir l'ascendant qu'il exerçait sur ces ani-
maux si différents de formes et de mœurs, de poils ou de
plumes. D'un geste ou d'un sifflement, il faisait tout rentrer
dans l'ordre sans le secours de ses chiens. Au reste, l'orage
avait rendu le troupeau entier paisible. Les influences ma-
gnétiques de l'atmosphère pesaient sur les animaux encore
plus que sur nous. La tête basse, le cou allongé, ils se
tenaient immobiles comme si la vie était momentanément
suspendue chez eux.
   L'orage ne tarda pas à éclater et bientôt il sévit sur le
plateau avec une violence extraordinaire. Le vent, la pluie,
le tonnerre rivalisaient de fureur et l'on aurait dit parfois